I) La nouvelle de Prosper Mérimée.
Présentation de l'auteur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_M%C3%A9rim%C3%A9ePrésentation de l'oeuvre et résumé
Résumé court de geoffrey13
Lors d’une expédition en Andalousie (Espagne), le narrateur va faire connaissance du plus grand brigand du pays, José Navarro. C’est à Courdoue, lorsqu’il le reverra pour le deuxième fois, qu’il apprendra la terrible histoire de cet ancien soldat d’origine basque, prit d’un amour fou pour une bohémienne, Carmen ... C’est lorsqu’elle poignarda une collègue, que Don José fut chargé de l’arrêter et de l’emmener au poste de police.
Mais en chemin, aveuglé par l’amour qu’il éprouvait à son égard, il la laissa partir. Il fut renvoyé de son poste de soldat et déserta. C’est alors que pour gagner sa vie, Don José devint un contrebandier. Il apprit alors que Carmen était mariée à un autre homme, Garcia le Borgne, qui n’était autre qu’un de ses camarades. Jaloux de cette union, il décida de le tuer afin de récupérer sa douce.
Après l’avoir recherchée durant plusieurs semaines, il la retrouva dans les bras d’un toréador nommé Lucas. Guidé par le chagrin et la colère, José Navarro la tua et l’enterra dans un bois. Prit de remords, il se rendit à la police et fut condamné à mort sans rémission possible.
Présentation plus complète:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carmen_(nouvelle)
Etude d'un passage clé : le dénouement (fin du chapitre 3) La mort de Carmen
Situation du passage :
Ce texte se situe à la fin du chapitre III, il s'agit du dénouement de l'histoire de Carmen . Le chapitre IV est une étude sur les bohémiens en Europe sans rapport avec l'intrigue qu'on vient de suivre, il s'agit donc du réel dénouement de la Nouvelle.
Don José a tué Garcia et propose à Carmen un nouveau départ, il l'amène dans un coin isolé. A la page 101, le lecteur est préparé à la violence de ce qui va suivre :
" Carmen, lui dis-je, voulez-vous venir avec moi ?
" Je te suis à la mort, oui, mais je ne vivrai plus avec toi. "
Lecture
Dans une lecture méthodique nous étudierons ce passage comme un meurtre passionnel et donc amoureux, puis nous verrons qu'il s'agit davantage d'un meurtre rituel, sorte de corrida, pour enfin constater que ce dénouement est un aboutissement logique dû aux origines des deux protagonistes.
A) Un meurtre passionnel
L'histoire racontée par Mérimée (utilisant différents enchâssement) est une histoire d'amour, de passion et de mort. Le meurtre auquel on assiste ici est avant un meurtre passionnel, dénouement d'une tragédie amoureuse.
Le texte commence par " nous " qui associe grammaticalement les amants dans un rendez-vous secret : " gorge solitaire ". Ce lieu est un indice, il s'agit du dénouement car le lieu est le même qu'au début (l.27)
La passion amoureuse semble encore présente, Carmen est toujours aussi provocante (s'agit-il d'un rendez-vous amoureux ?)
" ôta sa mantille " (geste identique à celui de la rencontre)l.1687 à 1689
" la jeta à ses pieds "
" poing sur la hanche "
" me regardant fixement "
Ces gestes sont toujours aussi sensuels mais ils participent également au rituel dont on parlera en 2.
Le champ lexical de l'amour est omniprésent :
l.1694 : " Carmen ! ma Carmen ! laisse-moi te sauver et me sauver avec toi. "
l.1696 : " Je ne t'aime plus ; toi tu m'aimes encore " (tout est dit ici)
l.1703 : " Tu aimes donc Lucas ? "
Oui j'ai aimé et 4 fois le verbe + plaire. (lignes 1705 à 1709)
" T'aimer encore " l.1710
Les mots utilisés soulignent le caractère passionnel de la situation : si Don José tue Carmen, c'est parce qu'il l'aime. Lorsqu'elle jette la bague, symbole d'alliance, il la tue.
L'arme du crime est également symbolique, il tue Carmen avec le couteau de Garcia (voir l.1471)
C'est bien le crime passionnel d'un mari trompé ou d'un amant jaloux.
Cependant, d'autres facteurs entrent en jeu pour interpréter cette scène. Nous assistons aussi à un meurtre rituel, une mise à mort préparée depuis longtemps, l'issue fatale était inéluctable.
B) Un meurtre rituel
Les métaphores qui rapprochent cet affrontement ultime à une corrida sont nombreuses :
- la posture de Carmen (l.1687 à 1689)
- l'absence de peur face à la mort , Carmen continue à provoquer Don José même si elle sait qu'il va la tuer. " J'aurais voulu qu'elle eût peur et qu'elle me demanda grâce, mais cette femme était un démon. "
" Je crois encore voir son grand œil noir me regarder fixement " : fait penser au jeu des regards entre le torero et le taureau.
Le coup de grâce : " Je la frappais deux fois " est rendu d'autant plus violent avec une syntaxe très rapide et l'utilisation du passé simple.
Don José n'hésite pas et le récit est brutalement stoppé par ce qui ressemble à une véritable mise à mort :
" Elle tomba au second cou, sans crier "
Carmen ne conteste pas, elle accepte le châtiment car c'est elle qui l'a choisi :
l.1711 : " T'aimer encore, c'est impossible, vivre avec toi je ne le veux pas " Elle choisit donc la mort .
Toute la force du personnage de Carmen, libre de choisir sa mort, prend toute sa dimension ici et malgré la plainte de Don José dans la dernière phrase : " Pauvre enfant ! ", c'est lui qui paraît pitoyable et Carmen qui prend une stature héroïque tragique.
Ce meurtre est cependant également un accomplissement.
C) Un accomplissement
Une opposition fondamentale entre les protagonistes rendait ce dénouement inévitable.
C'est avant tout une opposition ethnologique selon Mérimée. Nous avons déjà souligné l'importance qu'avaient les origines basques de Don José : une liaison avec une femme est pour lui éternelle, jusqu'à la mort. Cette idéologie vient de l'orthodoxie catholique très forte chez les basques.. Cette orthodoxie catholique apparaît dans tout le rituel qui suit le meurtre de Carmen :
- " Je lui creusai une fosse avec mon couteau. " (passage à rapprocher de la volonté frénétique du chevalier Des Grieux à creuser une tombe pour Manon dans Manon Lescaut).
- " Je cherchai longtemps sa bague et je la trouvai à la fin " : cette bague est symbole de pacte et d'alliance (connotation religieuse)
- " Je la mis dans la fosse auprès d'elle avec une petite croix "
- Fait faire une prière pour les morts et dire une messe (requiem)
Don José a en fait libéré sa conscience avec les rites de son ethnie (il en est conscient lorsqu'il dit " Peut-être ai-je eu tort " ligne 1728) alors que Carmen est restée fidèle à sa culture (voir lignes 1696 et suivantes) :
" Je pourrais bien encore te faire quelque mensonge ; mais je ne veux pas m'en donner la peine "
De plus, Carmen affirme son appartenance à son peuple en parlant d'elle à la troisième personne :
Lignes 1700 à 1701 : " Comme mon rom, tu as le droit de tuer ta romi ; mais Carmen sera toujours libre. Calli elle est née, calli elle mourra. "
Les deux protagonistes restent donc fidèles à eux-mêmes jusqu'au bout.
Conclusion :
Ce passage constitue un dénouement à part entière et donne toute sa force à la tragédie du destin de Carmen. Le lecteur peut s'étonner d'avoir à tourner la page pour lire un chapitre qui, si intéressant soit-il, ne peut être jugé que comme un supplément qui n'était pas indispensable. On restera avec le regard noir de Carmen comme l'a dit Louis Ernault en 1853 :
" On ferme le livre, et on voit encore ce grand œil noir mourant, à demi éteint, à la fois fixe et vague. "
Carmen morte entre dans la légende pour devenir un véritable mythe féminin.
Bilan : les personnages
ANALYSE DES CARACTERES.
DON JOSE :
INTRO : un personnage ambigu, dont on découvre différents aspects dans la nouvelle ; une évolution négative.
I. Un honnête homme.
← naissance, famille noble ; éducation religieuse…cf. autoportrait.
← valeurs du travail, incessant ; choix de la carrière militaire, qu’on lui promet brillante.
← défend son honneur, par le duel (raison de son éloignement de sa région natale).
← naïveté, timidité ; aspect provincial.
II. Un homme honnête.
← même contrebandier, il respecte certaines valeurs : « Je ne suis Egyptien que par hasard ; et pour certaines choses, je serai toujours franc Navarrais » ; Remendado ; refus du plan lâche de Carmen pour supprimer le Borgne.
← rapport avec le narrateur, gestes, attitudes, parole, confiance…
← volonté de changer de vie, lassitude ;
← se réfugie dans la religion, avant de tuer Carmen comme en prison.
III. Un amoureux intransigeant.
← aveuglé par sa passion, une fois qu’elle est née ; « tout comme un homme ivre ». Accepte de changer ses valeurs, son mode de vie, son métier…
← quand il aime, aime passionnément ; fait tout pour Carmen, lui offre des cadeaux, accepte ses « conquêtes pour affaires »…
← a de plus en plus de mal à accepter la liberté de Carmen ; tue le lieutenant par accident, le Borgne de façon préméditée.
← refuse d’admettre l’incompatibilité entre « chien » et « loup » ; tue Carmen, qu’il aime pourtant profondément.
CCL : un personnage vertueux, qui rencontre le diable et est perverti par lui. Attachant, sincère et noble, de naissance et de cœur. La morale est sauve, les châtiments sont « mérités ». Mais l’amour aussi est sauf, puisque la passion n’est liée à la mort que pour s’idéaliser dans la survie.
CARMEN
INTRO : une femme mystérieuse, au cœur de la nouvelle éponyme. Un personnage entier.
I. Une Bohémienne.
← physique, vêtements.
← activité : bonne aventure, vol, travail … selon les opportunités.
← vie nomade ; sentiments volages.
II. Le diable.
← provocante, séductrice. Cherche à se faire remarquer ; attirée par ceux qui ne lui « rendent pas hommage ».
← use, et abuse, de son charme ; se fait entretenir. Joue avec les hommes.
← le dit elle-même ; prévient Don José, dont elle a senti la pureté…
← n’a pas peur de la mort.
III. Une femme fragile.
← s’attache à Don José ; l’aime sincèrement ; est blessée par son intransigeance.
← a pressenti la fin
← revendique une liberté absolue
CCL : fière et hautaine, passionnée aussi ; en conflit avec les valeurs représentées par Don José, elle prend son parti de leur incompatibilité, mais refusera de céder à la peur, quitte à perdre sa vie.
II) L'opéra de Georges Bizet.
Présentation de l'auteur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Bizet
Présentation de l'oeuvre & résumé du livret :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carmen_(op%C3%A9ra)
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