Le
jugement dernier, Anthony CARO, 1995-1999, Collection Würth.
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Introduction :
Considérée
comme son chef-d’œuvre des années 1990, cette installation,
composée de 28 stations chacune étant inspirée de différentes
sources (Dante, la Bible ou la mythologie classique...), évoque de
façon originale et unique les thèmes chrétiens de la rédemption
et de la malédiction.
L'artiste :
Anthony CARO :
►
né
le 8 mars 1924 à New Malden, Grand Londres ; britannique ;
mort le 23 octobre 2013 ;
►
sculpteur
abstrait dont le travail se caractérise, dès 1963 à son
retour des États-Unis, par l'assemblage d'éléments métalliques
de récupération, peints souvent de couleurs vives. Il
travaillera aussi l'architectonique, les sculptures de table ou en
papier.
►
il
est nourri de sources et de
références ; ses
œuvres s'inspirent fréquemment d’œuvres du passé (ex : la
chaise du tableau de Van Gogh, 1888, pour « Van Gogh Chair V »,
L'Annonciation de Duccio di Buoninsegna, 1311, pour « Duccio
Variations N°2 » ou L'Adoration des Mages d'Andrea Mantegna,
1462, pour « The Procession of the Magi »...). Mais il
n'est pas question de créer des copies serviles des originaux ;
ces derniers ont plutôt joué un rôle déclencheur, orientant
l'évolution des sculptures ainsi réalisées, dans un souci
esthétique des proportions.
►
Ces
sculptures de grand format, lourdes en poids mais laissant un
espace au vide, placées sur le même plan que le spectateur,
constituent un tournant radical dans l'histoire de l'art
tridimensionnel.
I)
L'origine et les
sources de l’œuvre :
"The
Last Judgement " trouve
son origine dans les horreurs ethniques de la guerre et des
nettoyages ethniques, en particulier dans les images atroces de la
guerre de Bosnie-Herzégovine au début des années 1990. [//
Picasso : Guernica, 1937, trouve son origine dans les
sentiments du peintre à la suite du bombardement de civils
innocents)
« Cette
œuvre a trait au Kosovo, explique Anthony Caro. Elle n'est pas
étrangère à ce qu'on voyait tous les soirs aux informations
télévisées. La guerre, les bombardements, les massacres. Ces
tragédies épouvantables ont eu un effet sur moi, c'est certain. »
Dans
le choix des stations, on repère différentes sources :
- des éléments bibliques : L'Echelle de Jacob, Les dernières trompettes, La porte du Paradis, Les Danses de Salomé, Judas, Confession
- des éléments mythologiques : Charon / Les Furies / Les Champs-Elysées / Tirésias
- des références explicites à la mort violente : La Porte de la Mort / Les Ombres de la Nuit // Nature morte – Crânes / Sacrifice
- des références explicites à la guerre : Prisonniers / Guerre Civile / Chambre de Torture / Le Soldat Inconnu
Et
dans le catalogue de l’œuvre, « validé » par
l'artiste, chaque station est mise en regard d'une citation,
extraite de l'Odyssée d'Homère, de l'Enéïde de
Virgile, de l'Enfer de Dante, des poètes Baudelaire ou
Wilfred Owen, de Faust, de Musset, de Dickens...
Toutefois,
Anthony Caro poursuit : « Mais je doute pouvoir tracer une
ligne nette : l’œuvre signale, elle ne raconte pas une
histoire. »
II)
Des sources dans la tradition des « Jugement dernier ».
1.
Le parcours des portes
Caro
cherche à voir comment l'homme est confronté à ses actions ;
à plusieurs niveaux : religieux, mythologique, littéraire,
historique... mais toujours symbolique (et pas réaliste).
L'installation
ouvre avec Le Clocher. Station faite avec du bois de
récupération, qui a « vécu »... C'est du bois de
traverse du métro londonien. C'est une référence à la porte d'un
camp ; de prisonniers, de concentration... De l'autre côté, il
y a le monde des Enfers ; c'est la porte qu'on franchit pour
entrer dans un camp mais qu'on ne franchit que dans un sens ( le cas
pour les portes des camps de concentration...). L'artiste nous
propose de passer par cette porte ; nous, spectateur, on la
franchit symboliquement pour « entrer dans »
l’œuvre,Symbolique forte.
On
arrive ensuite devant La Porte de la Mort. Celle-là est
fermée ; l'artiste n'a pas la prétention de nous la faire
passer.
Au
bout, il y a Les Dernières Trompettes, motif très répandu
dans le Jugements Dernier (cf cathédrale de Strasbourg, à la fois
sur le Pilier du Jugement dernier, sur le Portail de sortie ou sur la
façade...) ; elles ne sont pas là pour acclamer ou fêter,
mais pour réveiller les morts pour qu'il y ait réunification du
corps et de l'âme.
« Je
vais vous révéler un secret : nous ne mourrons pas tous, mais
nous serons tous transformés en un instant, en un clin d’œil,
quand sonnera la dernière trompette. Car lorsqu'elle sonnera, les
morts reviendront à la vie pour être immortels et nous serons tous
transformés. » Bible, Corinthiens, I, XV.
!!!
Description porte à développer et enrichir
Une
fois corps et âme réunis, il y a le jugement de Dieu qui nous
mènera en Enfer ou au Paradis, via La Porte du Paradis,
entrouverte ; on pourrait s'y glisser...
2.
Entre Le Clocher et La Porte de la Mort, la station de Charon.
« Et
voici s'avancer vers nous dans un bateau un vieillard blanc d'antique
poil, Criant : « Malheur à vous âmes méchantes,
n'espérez pas voir un jour le ciel : Je viens pour vous emmener
à l'autre rive dans les ténèbres éternelles, en chaud et
gel... ». Mais ces ombres qui étaient lasses et nues,
changèrent de couleur et claquèrent des dents Dès qu'elles
entendirent ces mots cruels. » L'Enfer, Dante, livre III
Dans
la mythologie
grecque, Charon ou Caron,
le « nocher des Enfers »
(le nocher est celui qui conduit une embarcation), était le fils
d'Érèbe (les
Ténèbres) et de Nyx (la
Nuit). Il avait pour rôle de faire passer sur sa barque, moyennant
un péage, les ombres errantes des défunts à travers le
fleuve Achéron (ou
selon d'autres sources, le Styx)
vers le séjour des morts.
Charon
était un vieillard à l'aspect revêche, sale et peu conciliant mais
encore fort solide et qui ne se laissait pas fléchir par les prières
de ceux qui n'avaient pas de quoi le payer. Vêtu d'une cagoule, il
choisissait ses passagers parmi la foule qui s'entassait sur la rive.
Seuls ceux ayant mérité un enterrement adéquat étaient choisis et
uniquement s'ils pouvaient payer le voyage, entre une obole et
trois oboles, d'où la coutume de placer une obole sous la langue du
mort avant son enterrement. Ceux qui ne pouvaient payer devaient
errer sur les bords de la rivière pendant cent ans.
Homère et Hésiode ne
font aucune référence au personnage en tant que nocher infernal. La
première mention du nom « Charon » dans la littérature
grecque est une citation par Pausanias d'un
poème perdu rattaché au Cycle
épique,
la Minyade.
Et Diodore
de Sicile évoque
les allégations d'Égyptiens selon
lesquelles le nom Charon et
le mythe associé trouveraient leur origine dans des coutumes
funéraires égyptiennes.
Il
était très rare que Charon laisse passer un mortel encore vivant.
*
Héraclès,
quand il descendit aux Enfers sans mourir, n'aurait pas pu passer
s'il n'avait usé de sa force pour le contraindre à lui faire passer
le fleuve, à l'aller comme au retour. Charon fut emprisonné un an
pour l'avoir laissé passer sans en avoir obtenu le paiement habituel
pour les vivants, un rameau d'or obtenu auprès de la sibylle
de Cumes.
*
L’Énéide de Virgile (chant
VI) raconte la descente d'Énée
aux
Enfers, lui aussi armé d'un rameau d'or donné par Apollon,
et accompagné de la Sibylle.
*
Autre mortel à avoir « deux fois vainqueur traversé
l'Achéron » (Gérard
de Nerval, Les
Chimères « El
Desdichado »), Orphée charma
Charon, ainsi que Cerbère,
pour ramener du monde des morts sa bien-aimée, Eurydice.
C'est après la deuxième traversée, au retour, qu'il la perdit
définitivement.
*
Enfin, la belle Psyché,
bien que vivante, paye par deux fois Charon (l'aller et le retour)
afin d'accéder au palais de Perséphone pour le compte d'Aphrodite,
comme Apulée le
raconte dans ses Métamorphoses.
*
Dante,
guidé par Virgile,
rencontre Charon dans l'Enfer (premier
livre de la Divine
Comédie).
L'accès lui est interdit en tant que vivant (seules les âmes
damnées sont autorisées à franchir l'Achéron dans
l'embarcation de Charon), il franchira cependant l'Achéron de façon
surnaturelle lors d'un évanouissement.
Chez
Caro,
[ !!!description porte à développer et à enrichir ]
on retrouve la représentation symbolique de la barque avec
un large morceau arrondi,
propulsée par un
« tube » surmonté d'une tête métallique, assez laide,
Charon, à l'aide d'une
longue perche, barque dans laquelle on voit les âmes des défunts,
représentées avec 2 yeux, un nez... en fait, des éclisses (pièces
pour les aiguillages) détournées.
III)
Une création originale
1.
« Une » « œuvre » ?
►Ce
n'est pas une œuvre mais une installation ; il y a une
dimension spatiale ; on est « dans » l’œuvre
tridimensionnelle.
►Il
y a 28 « stations », chacune étant une œuvre,
référence aux stations du chemin de croix du Christ, véritable
enfer aussi ??? Chaque station est indépendante ; toutes
ne racontent pas une histoire unique, il n'y a pas forcément un
cheminement fixé. Mais il y a un lien, la notion d'enfer et de
justice, des différentes formes de justice (biblique, morale,
populaire...)
►Enfin,
contrairement aux Jugements derniers « classiques », la
représentation n'est pas verticale (cf tympans au-dessus du Portail
de la cathédrale) mais horizontale.
2.
Différentes formes de justice : la
station des Danses de Salomé
L'histoire
et
les sources :
Salomé est
le nom d'une princesse juive du ier siècle mentionnée
chez l'historiographe
judéo-romain Flavius
Josèphe.
Dans
le Nouveau
Testament,
une « fille d'Hérodiade » — habituellement identifiée
par la tradition chrétienne à cette Salomé — est l'héroïne
d'un épisode des évangiles , selon
Matthieu et Marc, qui
est la reproduction d'un récit
populaire profane
et que son aspect scandaleux rend historiquement peu vraisemblable.
Le
père de Salomé, Hérode (fils
d'Hérode
le grand et de la fille du grand prêtre Simon Boëthos), est
appelé Philippe dans les évangiles.
Sa
mère, Hérodiade, quitte son mari Hérode Philippe
pour se marier avec le demi-frère de celui-ci, Hérode
Antipas (fils, lui, de Hérode le Grand et de la Samaritaine
Malthace),
qui est tétrarque
(= dirigeant) de
Galilée.
Flavius
Josèphe évoque un comportement contraire aux lois nationales, qui
fait référence au fait qu
'Hérodiade « s'est
séparée de son mari encore vivant ».
En
effet, pour être nommé à la tête de la tétrarchie
de Hérode Philippe par
l'empereur, Hérode
Antipas a
imaginé conforter sa position en se mariant avec Hérodiade,
la mère de Salomé. La manœuvre semble habile car Hérodiade,
descendant à la fois d'Hérode le Grand et des Hasmonéens, est
d'une lignée nettement plus assurée que la sienne et une union
matrimoniale pourrait renforcer la prétention d'Antipas à obtenir
le titre royal de la part de l'empereur.
« Partant
pour Rome »,
là
où tout se décide, Antipas passe proposer le mariage à Hérodiade,
ce qu'elle s'empresse d'accepter. Elle décide de se séparer de son
mari encore vivant, ce qui fait scandale dans la région dès que ce
projet est révélé. Ils conviennent qu'elle cohabitera avec lui dès
qu'il sera rentré de Rome et surtout « qu'il répudierait
la fille d'Arétas »,
avec laquelle Antipas était marié. Seul
Jean dit le Baptiste (car il baptisait les chrétiens « dans
l'eau », en attendant que le Seigneur les baptise lui-même)
aurait osé élever sa voix contre cette union.
Un
soir, la
fille — ou la « fillette »— d'Hérodiade, Salomé,
danse
devant Hérode
Antipas,
qui
est donc
son beau-père (et oncle!).
Charmé, celui-ci lui accorde ce qu'elle veut. La
jeune fille ne sait pas quoi demander. Elle va
voir alors
à sa mère qui lui conseille (pour
sa propre vengeance)
de réclamer
la tête de Jean
Baptiste,
qu'Hérode Antipas, bien
qu'il en fut triste mais ne pouvant revenir sur une promesse qu'il
avait faite devant tout le monde, se résout à faire
apporter sur un plateau.
L'enfant
sans désir propre qui apparaît
dans l'épisode néotestamentaire devient un personnage de tentatrice
sensuelle qui inspire les artistes, particulièrement
aux xixe et xxe siècles.
La
représentation : on voit, dans la station de Caro, Hérode
Antipas à l'arrière, dans l'ombre. Mais c'est surtout Salomé qui
ressort, bien sûr. A noter le diadème (en outils éclectiques!) sur
sa tête et l'habileté du sculpteur à créer, dans le métal,
l'effet des drapés de la robe. On remarque aussi le plat sur la
table, qui permet l'identification de la scène. On note aussi la
tige articulée de côté, symbole du bras manipulateur de la mère.
Ce
sont ici deux formes de « justice » qui sont dénoncées :
le fait du maître (roi qui a droit de vie et de mort) et la
vengeance, « justice » archaïque, qui s'accomplit.
3.
Actualisation des sources ; une œuvre inscrite dans son temps ;
La
station Guerre civile : Idée de chaos et d'anarchie //
Guernica, ville bombardée par les armées allemandes et
italiennes fascistes. On retrouve des fragments de pieds, de mains,
de tête … et même d'animaux (// Picasso) [ !!!
description à développer et à enrichir]
Évoque
la guerre, les guerres cf tige métallique qui traverse/transperce un
fragment : une arme, mais ancienne (sabre ? baïonnettes?)
ou contemporaine (canon ? mitraillette ? ). Symbolise
toutes les guerres, comme la forme arrondie (tank ? Obus ?
…).
Station
en 2 parties.... comme une guerre civile, toujours 2 parties qui
s'affrontent dans un même pays, sans aucune loi. Et en guerre
civile, comment se fait la justice ? Archaïque...
Conclusion
cf M. Geiger
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