INTRODUCTION GLOBALE :
Le
Soldat, in
Vieillir avec toi
de Florent
Pagny , 2013.
Interprète :
Florent Pagny ; musique de Calogero, paroles de Marie Bastide.
Les
paroles de la chanson de Florent Pagny, Le Soldat, résonnent
peut-être encore plus fort en cette première année du centenaire
de la Première Guerre Mondiale. Une chanson inspirée des lettres
des Poilus envoyées à leurs épouses, mères, familles - des
missives chargées d'espoir avant que l'Histoire ne vienne les
contredire. L'artiste participe ainsi, à sa façon, au devoir de
mémoire.
C'est
à l’Ossuaire de Douaumont, en Lorraine, à Massiges, en Argonne
marnaise et dans la Vallée de la Marne que l'artiste est allé se
recueillir, sur les terres où le combat féroce et intense s'est
déroulé il y a maintenant presque 100 ans.
Pour
les besoins du clip de sa chanson, l'artiste a décidé de rendre
hommage aux dizaines de milliers de soldats morts pendant la
tristement célèbre bataille de Verdun en 1916 ; il est donc
venu tourner des images à l'ossuaire de Fleury-devant-Douaumont,
près de Verdun, où sont conservés pour l'éternité, dans la
célèbre nécropole, les restes des innombrables soldats morts sur
le champ de bataille… Tandis que l'artiste déambule au milieu de
ces lieux chargés d'histoire, l'air fermé et sérieux, il nous
invite à revivre le parcours d'un soldat, qui raconte dans ses
lettres l'enfer de la première Guerre Mondiale à sa dulcinée.
Livrant bataille dans les tranchées boueuses, entre deux charges, il
écrit de longues lettres à une certaine Augustine, qu'il a bien
évidemment hâte de retrouver. Un destin tragique pour une histoire
néanmoins puissante : des années plus tard, Florent Pagny
vient donc se recueillir sur la tombe de ce soldat, Valentin GRANDET,
son ancêtre fictionnel sans doute, en compagnie d'un petit garçon,
digne héritier de la mémoire familiale, le jeune Hugo Becker,
(acteur originaire de Metz, connu pour avoir jouer le rôle de Louis
Grimaldi dans la série Gossip Girl). Des passionnés qui
appartiennent à l’association “Le Poilu de la Marne” ont
également été conviés à jouer les figurants. Une expérience à
la fois intéressante et émouvante pour ceux qui ont répondu
présent.
Des
images touchantes qui servent à merveille la balade composée par
Calogero.
PAROLES DE LA CHANSON :
Le Soldat, in
Vieillir avec toi
de Florent
Pagny , 2013.
Interprète :
Florent Pagny ; musique de Calogero, paroles de Marie Bastide.
A
l'heure où la nuit passe au milieu des tranchées
Ma très chère Augustine, je t'écris sans tarder
Le froid piqué me glace et j'ai peur de tomber
Je ne pense qu'à toi...
[Refrain] Mais je suis un soldat
Surtout ne t'en fais pas
Je serai bientôt là
Et tu seras fière de moi
A l'heure où la guerre chasse des garçons par milliers
Si loin de la maison, et la fleur au canon
Ces autres que l'on tue sont les mêmes que moi
Mais je ne pleure pas...
[Refrain] Car je suis un soldat
Surtout ne t'en fais pas
Je serai bientôt là
Et tu seras fière de moi
A l'heure où la mort passe dans le fleuve à mes pieds
De la boue qui s'en va, des godasses et des rats
Je revois tes yeux clairs j'essaie d'imaginer
L'hiver auprès de toi...
[Refrain] Mais je suis un soldat
Je ne sens plus mes bras
Tout tourne autour de moi
Mon Dieu sors-moi de là
Ma très chère Augustine, j'aimerais te confier
Nos plus beaux souvenirs, et nos enfants rêvés
Je crois pouvoir le dire nous nous sommes aimés
Je t'aime une dernière fois...
Ma très chère Augustine, je t'écris sans tarder
Le froid piqué me glace et j'ai peur de tomber
Je ne pense qu'à toi...
[Refrain] Mais je suis un soldat
Surtout ne t'en fais pas
Je serai bientôt là
Et tu seras fière de moi
A l'heure où la guerre chasse des garçons par milliers
Si loin de la maison, et la fleur au canon
Ces autres que l'on tue sont les mêmes que moi
Mais je ne pleure pas...
[Refrain] Car je suis un soldat
Surtout ne t'en fais pas
Je serai bientôt là
Et tu seras fière de moi
A l'heure où la mort passe dans le fleuve à mes pieds
De la boue qui s'en va, des godasses et des rats
Je revois tes yeux clairs j'essaie d'imaginer
L'hiver auprès de toi...
[Refrain] Mais je suis un soldat
Je ne sens plus mes bras
Tout tourne autour de moi
Mon Dieu sors-moi de là
Ma très chère Augustine, j'aimerais te confier
Nos plus beaux souvenirs, et nos enfants rêvés
Je crois pouvoir le dire nous nous sommes aimés
Je t'aime une dernière fois...
[Refrain] Je
ne suis qu'un soldat
Non, je ne reviendrai pas
Je n'étais qu'un soldat
Prends soin de toi
Non, je ne reviendrai pas
Je n'étais qu'un soldat
Prends soin de toi
Analyse HDA de l’œuvre « Le Soldat »: un texte, une musique, des images.
Introduction :
Chanson
interprétée par Florent Pagny dans l'album
Vieillir
avec toi
de
2013,
sur
une musique
de Calogero et des paroles de la compagne de ce dernier, Marie
Bastide. Le
clip, réalisé
par Géraldine
Maillet pour Nolita Cinéma, est
tourné à
l’Ossuaire de Douaumont, en Lorraine, à Massiges, en Argonne
marnaise et dans la Vallée de la Marne où
l'artiste est allé se recueillir, sur les terres où le combat
féroce et intense s'est déroulé il y a maintenant presque 100 ans.
+
Les artistes ; biographies sélectives (dates / formation
/ genre / particularités, thèmes/ œuvres majeures)
I)
Une œuvre, à la croisée des genres.
Une
chanson :
-
présence de refrains, à la fois :
*
identiques, sur le plan musical + phrase récurrente « Je ne
suis qu'un soldat »,
*
différents, qui varient et qui progressent (connecteurs Mais / Car /
Mais / plus rien ; opposition « je serai bientôt là »
R1 / « je ne reviendrai pas » R2)
-
des couplets, identifiés musicalement, renforcés par l'anaphore « A
l'heure où... »
-
une musique
Mais
aussi une lettre :
-
apostrophe du destinataire, en formule épistolaire + mention
explicite « je t'écris » + adresses régulières au
destinataire (fonction conitive)
-
évocation du contexte de l'auteur (fonction référentielle) et,
surtout, de sa situation, de ses sentiments et de leur évolution
(fonction expressive)
-
jeu des temps ; inscription de la lettre dans une
« discussion », partage d'une situation, entre passé
(« je revois tes yeux clairs » S.3 / « nos enfants
rêvés » S.4) et futur (« je serai bientôt là »
R1)
Mais
aussi un poème :
-
quatrains d'alexandrins, le dernier de chaque strophe étant
inachevé, pour marquer la rupture ;
-
rimes plates S.1 et refrains, croisées S3 ; pour S.2 & S.4,
on reste dans l'assonance [e] ou [a]... sauf « canon » !!!
, qui souligne l'omniprésence de la mort !
Des
images, des histoires :
Le
clip mêle une histoire « passée » (photogramme
1) et une histoire « actuelle »
(photogramme 2).
Tandis que l'artiste lui-même
déambule au milieu d'un cimetière
militaire chargé d'histoire, l'air
fermé et sérieux, il nous invite à revivre le parcours d'un
soldat, qui raconte dans ses lettres l'enfer de la première Guerre
Mondiale à sa dulcinée. Livrant
bataille dans les tranchées boueuses, entre deux charges, il
écrit de longues lettres à une
certaine Augustine, qu'il a bien évidemment hâte de retrouver. Un
destin tragique pour une histoire néanmoins puissante : des
années plus tard, Florent Pagny vient donc se recueillir sur la
tombe de ce soldat, Valentin GRANDET,
soldat du 14ème R.I,
son ancêtre fictionnel sans doute, rejoint
par un petit garçon (photogramme
2) , vêtu
du même manteau noir, digne héritier
de la mémoire familiale.
►
Une
œuvre très travaillée, à la croisé des genres.
II)
Un texte, une musique et des images d'amour :
Cette
œuvre est d'abord une œuvre d’amour.
Dans
le texte :
Le
soldat déclare sa flamme à une certaine Augustine, à l’aide du
présent : « je ne pense qu'à toi ». Tous deux ont un
passé commun (« nos plus beaux souvenirs ») et ont fait
des projets pour l’avenir (« nos enfants rêvés »). On
note :
-
S1: des manifestations
variées de ce sentiment : empressement « sans
tarder » / primauté & exclusivité (plus fort que le froid
et la peur, « je ne pense qu'à toi ») et partage,
réciprocité (« tu seras fière de moi »)
-
champ lexical de l'amour ;
associations de l'amour et du foyer
(« maison »), de la chaleur (« hiver près de
toi »), de la famille (« nos enfants rêvés ») :
S2.
-
Force de l'amour, inconditionnel, qui transcende le
présent (« je revois », présent d'actualité) et se
moque du temps, unissant passé («nous nous sommes aimés») &
futur («je t'aime une dernière fois)
Au
début de sa lettre, il
tient à la rassurer et envisage d’abord avec optimisme un retour
rapide de la guerre, d’où l’emploi du futur
simple et
de l’adverbe de temps : « Je
serai bientôt
là ».
Dans
les images du clip :
Les
seules couleurs chaudes employées dans le clip concernent les
moments où le soldat évoque la présence de sa bien-aimée.
Dans
les photogrammes n°3&4, on voit le jeune homme, assis dans une
tranchée recouverte de planches, donc abrité, et occupé à écrire
une lettre. Il est éclairé par une lampe qui déverse une lumière
jaune (une couleur chaude), symbolisant l'amour qu'il exprime à la
jeune femme qui l'attend. Cette image correspond bien au texte de la
chanson : « je t'écris sans tarder ». Le soldat est
au centre de l'image, qui est coupée en deux par l'opposition entre
deux couleurs dominantes : le jaune, couleur chaude, qui
symbolise l'amour, la vie qui l'attend et qu'il est sûr de retrouver
( d'où l' emploi du présent dans les derniers vers des deux
premières strophes et de l'adverbe de temps bientôt) ; et le
bleu sombre, couleur froide qui évoque bien sûr la nuit ( «
A l'heure où la nuit tombe au milieu des tranchées »), mais
aussi la mort qui le guette. Cette opposition des couleurs est
reprise dans le texte par l'opposition entre les champs lexicaux de
l'amour et de la mort.
Le
plan suivant (photogramme n°5)nous montre en insert, contre-champ du
P4, un passage de la lettre qu'il rédige.On y reconnaît des mots du
texte de la chanson:«Chère Augustine/je pense à toi ».
Plus
loin, la lettre réunit les amoureux par trois fois ; d'abord
dans la tranchée, elle lui tend la main pour l'aider à se relever
et à se donner du courage (photogramme 9) ; puis auprès du
feu où il sculpte un morceau de bois, nimbée de reflets
incandescents (photogramme 12) ; enfin dans une sorte de
« bulle », quand le soldat imagine son amoureuse près de
lui ; ils ne se parlent pas, mais l'échange des regards est
intense et la caméra tourne autour d'eux, reproduisant le
tourbillon de la valse et le tourbillon de la vie (photogramme 16 à
19). On remarque la beauté diaphane d'Augustine, fantomatique mais
souriant angéliquement.
Dans
la musique et le chant :
L'amour
se retrouve dans le 3 temps choisi par le compositeur
Calogéro. Actuellement, on n’entend pratiquement plus que du 4
temps ; le 3 temps est donc une référence au style ancien des
chansons qui utilisaient bien plus de mesures différentes (2/4, 2/4,
4/4, 6/8 …) ; et quand la lettre enferme les amoureux « comme
dans une bulle », on les voit comme s’ils dansaient une valse
ensemble.
La
mélodie chantée est
souvent en croches régulières que Florent Pagny « chaloupe »
un peu, avec un accent sur la dernière syllabe des vers. Pour
l’interprétation,
Florent
Pagny utilise une prononciation pleine de compassion :
sur la note la plus haute de la mélodie, les mots finaux ressortent
( « je ne pense qu’à toi » ... « je
ne pleure pas » ...) pour souligner l'émotion et
l'intensité de l'amour. Il a trouvé le juste ton.
L’instrumentation nous
donne à entendre un piano dont la main gauche détaille bien le 3
temps (un fort, deux faibles). Très vite, des cordes se font
entendre : vraies ou synthétiques, difficile à dire. Sur « nos
enfants rêvés » ou « nous nous sommes aimés »,
on entend encore des sons de style orchestre à cordes (coups
d’archets plus secs) ou chœur, très enveloppants. Mais le tout
(piano + cordes) se veut romantique.
► Cette
œuvre est donc bien lyrique, dans les mots, dans les images
et dans la musique, puisqu’elle évoque les sentiments amoureux
du narrateur-soldat.
III)
Un texte et une chanson de guerre et de
mort.
Outre
ses sentiments amoureux, le jeune soldat exprime aussi ses
interrogations sur la guerre et surtout sa peur et son désespoir.
Dans
le texte :
Le
texte de la chanson insiste avant tout sur la peur
croissante du soldat,
peu à peu convaincu qu'il ne rentrera jamais du front. Les
difficultés
sont soulignées dès le
premier couplet par les
sonorités
rudes du troisième vers : « Le froid pique et me glace »
», et par la métaphore
de la mort « j’ai
peur de tomber », à
visée d'euphémisme (=
atténuation), pour réfuter
cette possibilité, ne pas la nommer pour ne pas la rendre concrète
Évolution,
dans les strophes, du champ lexical
: champ lexical de la
guerre, S.1 : tranchées - froid – peur de tomber /
puis S.2 : « canon » [dont la rime surprend, cf
plus haut], et « ces autres que l'on tue » ; cette
fois, le champ lexical est celui de la mort / S.3 : mort
[personnification ou métonymie dans ce qui n'est pas ici une
métaphore!!!] - boue – godasse (familier, pour dire le mépris et
la misère] – rat /S.4 :conditionnel « j'aimerais »[irréel
du passé]. La mort, liée à la guerre, est inéluctable.
Ce
qui est aussi souligné par les variations dans le refrain 3
: « je ne sens plus mes bras » ; euphémisme ?
Non ; c'est la réalité ; le narrateur meurt.
Rq :
intérêt de la lettre fictive ; l'émetteur peut «mourir» et
son « fantôme» continue d'écrire.
Progression
des sentiments :
Au
fur et à mesure que l’on avance dans le texte, on sent s’accroître
la peur du soldat qui acquiert peu à peu la certitude qu’il ne
reviendra pas de la guerre et qu’il va mourir. Cette progression
est soulignée par l'allitération « A l’heure où.. »
qui introduit la gradation « nuit
(S.1), guerre (S.2), mort (S.3)».
+
Accentuation du désespoir :
-
connecteur d'opposition «Mais » entre S.1 & R.1, qui
oppose l'amour de S.1 et la guerre dans un vers qui devient un
alexandrin complet : « Je ne pense qu'à toi... Mais je
suis un soldat » ; l'amour est donc insuffisant.
-
sorte de confusion entre femme aimée & mère protectrice :
« tu seras fière de moi »,formule enfantine.
-
le futur des deux premières strophes disparaît de son discours. Le
soldat ne parvient plus à se projeter dans l’avenir comme
l’atteste l’emploi du verbe dans la troisième strophe « j'essaie
d'imaginer ». Il perd pied, au sens figuré comme au sens
propre : « Tout tourne autour de moi ».
-
dans un cri de désespoir, il se tourne vers...Dieu, dans une ultime
prière ( R.3), seul possibilité restante, supérieur à l'humain.
-
évocation explicite de la mort dans la strophe 4 ; son amour
pour Augustine appartient désormais au passé : il emploie
pour l’évoquer le terme « souvenirs » et le verbe
aimer au passé composé (« nous nous sommes aimés »),
qu'il répète au présent avec l'adjectif ultime (
« je t'aime une dernière fois »).
-
la clôture de sa lettre sonne de manière définitive avec la
formule « une dernière fois » et, surtout, le vers
« Non, je ne reviendrai pas ». C’est le seul verbe des
deux dernières strophes conjugué au futur simple mais il est
employé dans une phrase négative, renforcée par l'adverbe tonique
de négation.
-
La variation du refrain 4,
avec l’emploi de
l'imparfait (temps
du passé) dans
l’avant-dernier vers : « Je n’étais qu’un soldat »
, suggère la mort du personnage.
-
l'expression« prends soin de toi »... sans intervention
de la première personne.
La
lettre devient alors une lettre d'adieu.
Dans
les images :
De
même que le texte de la chanson, les images évoquent la guerre.
Certains
plans montrent le champ de bataille ( plan
inaugural des barbelés, photogramme 1 ; puis généralement
des plans d’ ensemble
comme le photogramme 7),
d’autres plus particulièrement les tranchées (photogramme
4). Ainsi, on voit trois
soldats autour d’un brasero
pour évoquer le froid ou un
gros plan sur des pieds pour montrer la pluie et la boue. On
voit aussi à plusieurs reprises des combats et des explosions.
Les
couleurs sont sombres ;
la brume omniprésente
empêche toute vision en profondeur : il n’y a pas d’horizon,
de même qu’il n’y a pas d’avenir pour le soldat.
Le
clip montre surtout le visage résigné du jeune homme, qui reste
souvent statique, et même immobile comme assommé, sous le choc. Le
photogramme 8 le montre avec des camarades autour d'une table.
L'expression des visages, les gestes, les attitudes montrent la même
lassitude extrême. On comprend alors que les sentiments exprimés
par le narrateur de la chanson sont ressentis par ses camarades au
front : le jeune homme devient ainsi le porte-parole des
soldats.
Ces
hommes, que l'on a envoyés se faire tuer à la guerre, ont été
emportés par la tourmente. C'est ce que retransmet l'extrait au
cours duquel le personnage, immobile sur le champ de bataille,
imagine Augustine en face de lui. Au moment de mourir, il semble
encore voir sa bien-aimée en rêve. D'abord valse d'amour
(photogrammes 16 à 19), la caméra tourne, finissant par montrer le
soldat seul (photogramme 20), entraîné inexorablement vers la mort
(décor disparu, sang sur le visage, regard fixé dans le vide ;
photogramme 21).
Le
clip montre d'ailleurs à ce moment-là le gros
plan du visage d'un mort
puis enchaîne sur l'image du photogramme 22
qui montre le personnage principal assis, hagard,
alors que la bataille se déchaîne autour de lui. Déjà
mort ou désespéré, ayant
conscience qu'il n'en
réchappera pas ?
Cette
histoire très sombre a cependant subi une petite modification dans
le clip ; alors que le texte de la chanson n'évoque que des
projets d'avenir et « des enfants rêvés », le gros
plan sur la lettre (photogramme 5) nous permettait de lire le texte
qui mentionne l'existence d'un enfant, Paul, existence renforcée par
l'image du ventre arrondi d'Augustine (photogramme 13) qui fait suite
à l'insert sur la sculpture par le narrateur d'un objet en bois
(photogramme 11). Or l'histoire de ce soldat de la première guerre
mondiale est insérée dans un récit-cadre ; de nos jours, un
enfant et un adulte se retrouvent dans un cimetière militaire par
une journée grise d'automne et se rejoignent sur la tombe d'un
certain Valentin Grandet, mort en 1916 ; le photogramme 14
insiste sur un moment de regard prolongé entre l'adulte et
l'enfant : il y a une transmission ; puis la caméra glisse
vers la main de l'enfant qui tient ce qu'on identifie
maintenant à une poupée (photogramme 15). On comprend alors
que cet enfant est un descendant du narrateur et qu'on lui a transmis
cet objet en héritage.
Les
multiples plans sur le cimetière militaire, sur l'ossuaire et
notamment les plaques commémoratives portant le nom des soldats
morts pour la France prennent alors tout leur sens. Cette chanson et
ce clip sont promus en 2013, juste avant l'année du centenaire de la
Grande Guerre. Il s'agit de
transmettre le souvenir de ces
hommes, de participer au devoir de mémoire et à la reconnaissance
collective du sacrifice de ces hommes.
Dans
la musique :
Le
début démarre avant le chant sur un son menaçant de vent glacial,
auquel s'ajoute le crépitement d'un feu et le claquement d'un
drapeau, symbole de la patrie. Puis, au fur et à mesure, des bruits
de la guerre se superposent à la musique : bruits des flaques
quand un soldat marche dans la boue, explosions, tirs, glas des
cloches ou, sur le mot « canon », on entend tonner un
canon.
On
pourrait penser que les paroles, très sombres, contrastent avec la
musique enlevée, plutôt gaie : une valse. Cependant, le
tourbillon de la valse, s'il peut évoquer le tourbillon de la vie,
peut aussi évoquer celui de la mort ; le narrateur va être
emporté, il va perdre pied, ne contrôle plus rien et va finir par
être balayé…
De
plus, la tonalité choisie
est mineure : elle communique la tristesse. A
la fin de chaque strophe, une courte polyphonie avec mélodie
descendante donne encore
plus de tristesse encore. Dans
le refrain, on note aussi le
petit sursaut vers l’aigu : « je serai bientôt là »
qui se meurt.
Les notes longues sont toujours par deux, séparées d’un demi-ton
(comme chez Chostakovitch !).
Au
moment du texte et du clip où le soldat se meurt, dans le dernier
refrain (après photogramme 13), on remarque aussi le « vide
musical » ; la musique devient inaudible, phénomène
annoncé par une note répétée, qui devient glas d'une cloche dans
le cimetière (photogramme 14), puis dominée par les tirs et les
explosions de la guerre. Elle reprend doucement dans la valse d'amour
et de mort ; on ne la réentend dominante que juste au moment où
Florent Pagny chante : « Je ne reviendrai pas » et
la voix, elle, redevient puissante sur le vers : « Je
n'étais qu'un soldat » qui
évoque clairement la mort du personnage.
Dans
la chanson seule, sans clip, l’adverbe de négation « NON »
est mis en valeur par la musique, souligné par la bande son où l’on
entend retentir le glas et un roulement de tambour qui évoquent les
honneurs militaires rendus aux soldats tombés pour leur patrie.
On
comprend donc qu’il est mort à l’audition seule, alors que la
vidéo le montre encore en tournant la caméra autour de lui comme
une valse avec la mort.
► Cette
œuvre est donc aussi bien tragique, dans les mots, dans les
images et dans la musique, puisqu’elle évoque la guerre et la
mort du narrateur-soldat.
Conclusion :
Florent
Pagny nous convie dans sa chanson à un devoir de mémoire,
cherchant à nous toucher par une force émotionnelle des mots
de Marie Bastide, émotion renforcée par la musique et les images
touchantes du clip de Géraldine Maillet, qui servent à merveille la
balade de Calogéro. Les paroles, inspirées
des lettres des Poilus envoyées à
leurs épouses, mères, familles – des
missives chargées d'espoir avant que l'Histoire ne vienne les
contredire – résonnent
encore plus fort en cette première année du centenaire de la
Première Guerre Mondiale. Le
clip, qui accompagne la chanson, reprend parfaitement l’esprit du
texte, et la légère modification qu'il apporte dramatise
encore davantage les faits et les réinterprète pour en accentuer
la dimension universelle et l'importance de la transmission du
souvenir qui doit rester vivant.
Fabienne
Ottenwelter (analyse du texte), Bénédicte Barbier (analyse de la
musique et de l'interprétation),
et
inspiration de Mme Massip (pour l'analyse du clip).
Quel est la problematique?
RépondreSupprimerTrès belle analyse
RépondreSupprimerBien pour un ds en musique sur les musiques engagé
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