mardi 2 juin 2015

Red

l'Affiche Rouge

Thématique: Arts, Etats et  pouvoir
période: XX°
Problématique: Représentation et mise en scène du pouvoir: la propagande. Quels procédés sont utilisés dans cette affiche au service de la propagande du régime au pouvoir?
Contexte:
Commanditaire : L’occupant allemand (Le service de la propagande allemande)
Destinataire : La population parisienne et française.
Le 21 février 1944, les murs de Paris sont couverts de grandes affiches rouges qui annoncent l'exécution de 23 "terroristes" du groupe dirigé par Michel Manouchian, membre des FTP (Francs Tireurs Partisans), qui avaient organisé des actions de guérilla contre l'occupant allemand.
Les FTP- MOI (Francs- Tireurs et Partisans- Main d’Oeuvre Immigrée) ont été créés au printemps 1942 à Paris. Ce sont des résistants communistes, et pour beaucoup étrangers. Ils harcèlent l’occupant nazi et le régime de Vichy en multipliant les attentats dans Paris. En Février 1943, l’Arménien Missak Manouchian prend la tête de la brigade des FTP- MOI de la région parisienne. Il est arrêté le 16 Novembre 1943 avec les membres de son groupe (appelé le groupe Manouchian) par la police française et remis aux autorités allemandes. Du 15 au 18 Février 1944, après des mois de torture, les 23 membres du groupe Manouchian sont jugés et condamnés à mort par un tribunal militaire allemand. Les 22 hommes sont fusillés le 21 Février 1944 au Mont- Valérien (colline à l’ouest de Paris) et Olga Bancic, la seule femme, est décapitée à Stuttgart. Les jours suivants leur exécution, 150 000 exemplaires de « l’Affiche rouge » sont placardés dans Paris et en France. L’affichage fut accompagné d’un tract présentant ces libérateurs comme des criminels.


Impressions générales:
Cette affiche crée un sentiment de malaise: elle parle de mort, de violence, de crimes
Éléments la composant
·         un texte en haut, blanc sur rouge, à la forme interrogative; un texte en bas.
·         10 portraits en médaillons, accompagnés de leur légende, disposés en pyramide inversée.
·         5 photos rectangulaires, peu organisées (impression de pêle-mêle)
Analyse des portraits en médaillons:
Les personnages représentés ne sont pas mis en valeur: mal rasés, hirsutes, yeux creusés, ils ont des têtes patibulaires. On note que beaucoup ont l'air jeune. Souvent, dans les portraits, la hauteur du front est accentuée, comme pour marquer l'intelligence perverse de ces « terroristes »
Analyse des légendes:
Elles présentent le nom de la personne, en majuscules, nom souvent compliqué pour une oreille francophone. Ensuite, on trouve un mélange d'informations disparates: religion, nationalité, appartenance politique. La dernière ligne semble indiquer les faits reprochés à ces personnages.
Analyse des photos rectangulaires:
Elles représentent des méfaits prétendument réalisés par les terroristes: victimes humaines, biens matériel. La photo centrale est une présentation à la presse du butin découvert par la police. Le désordre de la disposition de ces photos renforce l'impression de chaos occasionné par les « terroristes »; en revanche, la photo centrale, bien droite, veut montrer que grâce à la police, l'ordre est rétabli.
Couleur et composition de l'image:
·         Cette affiche est en 3 couleurs: le rouge, couleur agressive, qui connote le sang et la violence; le noir, qui connote la mort; le blanc est réservé à la question (des libérateurs?) et aux légendes.
·         Les portraits sont disposés en pyramide inversée, ce qui représente l'organisation de l'association criminelle: le regard du spectateur est guidé vers le portrait du bas, celui de Michel Manouchian, chef de groupe. Les flèches introduisent dans l'esprit du spectateur une relation de cause à effet: ces personnages sont présentés comme les responsables des méfaits illustrés par les photos du bas.
Interprétation:
A la question du haut, le texte en bas apporte une réponse: cette affiche est donc une affiche de propagande nazie, tentant de présenter les membres du FTP comme des terroristes, étrangers, nuisibles à la France.
Pourtant, ce message implicite a, dès sa parution était détourné, par des résistants, qui ont remplacé le texte du bas par « Morts pour la France » (voir le poème d'Aragon: Strophes pour se souvenir.)
Les objectifs de l’affiche sont :
- Faire peur, intimider la population
- De présenter les résistants comme des terroristes : De part les actes qu’ils ont commis, ces hommes au lieu d’être des « libérateurs », sont des criminels, des terroristes qui appartiennent à « l’armée du crime ». Des bandits violents et dangereux et donc la répression contre eux est juste.
- De plus ces résistants ne sont pas Français, mais étrangers et de surcroît juifs : les Allemands cherchent ainsi à développer et à répandre des idées xénophobes, antisémites et anticommunistes auprès de la population française.
- Inciter les Français à ne pas rejoindre les rangs de la Résistance.
- Inciter les Français à dénoncer « ces criminels » les résistants, les juifs…
L’échec de la propagande nazie :
La propagande allemande n’a pas atteint son but auprès de la population française. En effet, cette dernière au lieu de voir en ces hommes des criminels y a vu des martyrs. Ainsi, certains Français ont déposé aux pieds de ces affiches des bouquets de fleur ou ont écrit le mot « martyrs » sur certaines affiches. Ces affiches ont donc suscité la compassion à l’égard de ces hommes morts pour leur patrie et de la haine envers le régime de Vichy et les Allemands.

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L’hommage à ces résistants se poursuit à travers les époques :

A la mémoire du groupe Manouchian, Louis Aragon, s’inspirant de la dernière lettre de Manouchian à sa femme avant son exécution, a écrit en 1955 un poème intitulé Strophes pour se souvenir. Poème mis en musique ensuite par Léo Ferré.
Un monument, réalisé par le sculpteur Pascal Convert, à la mémoire de tous les fusillés du MontValérien a été inauguré en 2003. à à regarder !
La Compagnie Mémoires Vives leur a également rendu hommage dans leur spectacle intitulé « A nos morts » (à voir sur le site artdeko, lien sur Ekokoline) : ils projettent l’affiche et chantent le poème d’Aragon, réarrangé.

Ils en disent : « Il s’agit de dire avec vigueur et conviction que cette réhabilitation, la transmission de ces mémoires de l’immigration participent à la construction d’une histoire commune, partagée, nécessaire au rapprochement des communautés, à la reconnaissance et au respect de l’autre … La France s’est faite, construite, défendue, relevée dans la diversité … c’est sa richesse, son passé, son présent et son futur … »

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