l'Affiche Rouge
Thématique: Arts, Etats et pouvoir
période: XX°
Problématique: Représentation et mise en scène
du pouvoir: la propagande. Quels procédés sont utilisés dans cette affiche au
service de la propagande du régime au pouvoir?
Contexte:
Commanditaire
: L’occupant allemand (Le service de la propagande allemande)
Destinataire
: La population parisienne et française.
Le 21 février 1944, les murs de
Paris sont couverts de grandes affiches rouges qui annoncent l'exécution de 23
"terroristes" du groupe dirigé par Michel Manouchian, membre des FTP
(Francs Tireurs Partisans), qui avaient organisé des actions de guérilla contre
l'occupant allemand.
Les FTP-
MOI (Francs- Tireurs et Partisans- Main d’Oeuvre Immigrée) ont été créés au
printemps 1942 à Paris. Ce sont des résistants communistes, et pour beaucoup
étrangers. Ils harcèlent l’occupant nazi et le régime de Vichy en multipliant
les attentats dans Paris. En Février 1943, l’Arménien Missak Manouchian prend
la tête de la brigade des FTP- MOI de la région parisienne. Il est arrêté le 16
Novembre 1943 avec les membres de son groupe (appelé le groupe Manouchian) par
la police française et remis aux autorités allemandes. Du 15 au 18 Février
1944, après des mois de torture, les 23 membres du groupe Manouchian sont jugés
et condamnés à mort par un tribunal militaire allemand. Les 22 hommes sont
fusillés le 21 Février 1944 au Mont- Valérien (colline à l’ouest de Paris) et
Olga Bancic, la seule femme, est décapitée à Stuttgart. Les jours suivants leur
exécution, 150 000 exemplaires de « l’Affiche rouge » sont placardés dans Paris
et en France. L’affichage fut accompagné d’un tract présentant ces libérateurs
comme des criminels.
Impressions
générales:
Cette affiche crée un sentiment de
malaise: elle parle de mort, de violence, de crimes
Éléments
la composant
·
un
texte en haut, blanc sur rouge, à la forme interrogative; un texte en bas.
·
10
portraits en médaillons, accompagnés de leur légende, disposés en pyramide
inversée.
·
5
photos rectangulaires, peu organisées (impression de pêle-mêle)
Analyse
des portraits en médaillons:
Les personnages représentés ne sont
pas mis en valeur: mal rasés, hirsutes, yeux creusés, ils ont des têtes
patibulaires. On note que beaucoup ont l'air jeune. Souvent, dans les
portraits, la hauteur du front est accentuée, comme pour marquer l'intelligence
perverse de ces « terroristes »
Analyse
des légendes:
Elles présentent le nom de la
personne, en majuscules, nom souvent compliqué pour une oreille francophone.
Ensuite, on trouve un mélange d'informations disparates: religion, nationalité,
appartenance politique. La dernière ligne semble indiquer les faits reprochés à
ces personnages.
Analyse
des photos rectangulaires:
Elles représentent des méfaits
prétendument réalisés par les terroristes: victimes humaines, biens matériel.
La photo centrale est une présentation à la presse du butin découvert par la
police. Le désordre de la disposition de ces photos renforce l'impression de
chaos occasionné par les « terroristes »; en revanche, la photo
centrale, bien droite, veut montrer que grâce à la police, l'ordre est rétabli.
Couleur
et composition de l'image:
·
Cette
affiche est en 3 couleurs: le rouge, couleur agressive, qui connote
le sang et la violence; le noir, qui connote la mort; le blanc est réservé à la
question (des libérateurs?)
et aux légendes.
·
Les
portraits sont disposés en pyramide inversée, ce qui représente l'organisation
de l'association criminelle: le regard du spectateur est guidé vers le portrait
du bas, celui de Michel Manouchian, chef de groupe. Les flèches introduisent
dans l'esprit du spectateur une relation de cause à effet: ces personnages sont
présentés comme les responsables des méfaits illustrés par les photos du bas.
Interprétation:
A la
question du haut, le texte en bas apporte une réponse: cette affiche est donc
une affiche de propagande nazie,
tentant de présenter les membres du FTP comme des terroristes, étrangers,
nuisibles à la France.
Pourtant,
ce message implicite a, dès sa parution était détourné, par des résistants, qui
ont remplacé le texte du bas par « Morts pour la France » (voir le
poème d'Aragon: Strophes pour
se souvenir.)
Les objectifs de
l’affiche sont :
-
Faire peur, intimider la population
-
De présenter les résistants comme des terroristes : De part les actes qu’ils
ont commis, ces hommes au lieu d’être des « libérateurs », sont des criminels,
des terroristes qui appartiennent à « l’armée du crime ». Des bandits violents
et dangereux et donc la répression contre eux est juste.
-
De plus ces résistants ne sont pas Français, mais étrangers et de surcroît
juifs : les Allemands cherchent ainsi à développer et à répandre des idées
xénophobes, antisémites et anticommunistes auprès de la population française.
-
Inciter les Français à ne pas rejoindre les rangs de la Résistance.
-
Inciter les Français à dénoncer « ces criminels » les résistants, les juifs…
L’échec
de la propagande nazie :
La
propagande allemande n’a pas atteint son but auprès de la population française.
En effet, cette dernière au lieu de voir en ces hommes des criminels y a vu des
martyrs. Ainsi, certains Français ont déposé aux pieds de ces affiches des
bouquets de fleur ou ont écrit le mot « martyrs » sur certaines
affiches. Ces affiches ont donc suscité la compassion à l’égard de ces hommes
morts pour leur patrie et de la haine envers le régime de Vichy et les Allemands.
****************************
L’hommage à ces
résistants se poursuit à travers les époques :
A la mémoire du groupe Manouchian, Louis
Aragon, s’inspirant de la dernière lettre de Manouchian à sa femme avant son
exécution, a écrit en 1955 un poème intitulé Strophes pour se souvenir. Poème
mis en musique ensuite par Léo Ferré.
Un monument, réalisé par le sculpteur
Pascal Convert, à la mémoire de tous les fusillés du MontValérien a été
inauguré en 2003. à
à regarder !
La Compagnie
Mémoires Vives leur a également rendu hommage dans leur spectacle intitulé
« A nos morts » (à voir sur le site artdeko, lien sur
Ekokoline) : ils projettent l’affiche et chantent le poème d’Aragon,
réarrangé.
Ils en
disent : « Il s’agit de dire avec vigueur et conviction que cette
réhabilitation, la transmission de ces mémoires de l’immigration participent à
la construction d’une histoire commune, partagée, nécessaire au rapprochement
des communautés, à la reconnaissance et au respect de l’autre … La France s’est
faite, construite, défendue, relevée dans la diversité … c’est sa richesse, son
passé, son présent et son futur … »
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